«Un homme
est fait de choix
et de circonstances. Personne n’a de pouvoir sur les circonstances, mais chacun
en a sur ses choix.»
Eric-Emmanuel Schmitt
Eric-Emmanuel Schmitt
La récente nomination du nouveau Président
Directeur Général de la banque de l’habitat (BH) en la personne d’Ahmed
Rejiba(1), est passée presque inaperçue. Il fallait juste se rappeler de
la nomination de Jaafar Khattech à la tête de la BNA (Mai
2011)(2) et relever les points communs inhérents à ces deux nominations pour que les interrogations fusent et le
doute s’installe quant à la rationalité du processus de désignation.
Ahmed Rejiba et Jaafar Khattech occupaient des postes de direction au sein de l’Arab Tunisian Bank (ATB).
Ainsi, Ahmed
Rejiba était Directeur Central en charge des entreprises, alors que Jaafar
Khattech était Directeur Central de la Trésorerie.
Personne ne peut contester cette
orientation d’ouverture sur les banques privées comme vivier pour la
désignation des premiers responsables des banques publiques. C’est une démarche
louable qui ne peut que contribuer à enrichir l’expertise des banques publiques
et surtout à leur permettre d’adopter progressivement les bonnes pratiques en
matière de gestion, de prospection de clientèle, de développement etc…
En Tunisie, les banques publiques
évoluent dans un milieu très concurrentiel et voient leurs parts de marché s’éroder
sans pouvoir engager les actions nécessaires et les répliques adéquates. Elles
souffrent d’une multitude de carences.
Ceci étant dit, ailleurs, et sous d’autres
cieux des banques publiques ont réussi à tirer leur épingle du jeu (Maroc, Brésil
pour ne citer que ces deux pays) : L’échec des banques publiques n’est pas
une fatalité à condition qu’elles bénéficient des mêmes conditions de réussite et
moyens de développement que leurs pairs privés. La captation de talents
externes ne peut donc, en principe; que rejaillir positivement sur les
banques publiques tunisiennes qui sont dans une trajectoire périlleuse.
Mais quand l’Etat décide de recruter les
premiers dirigeants en lorgnant du coté des banques privées, il faut fixer des
critères objectifs et surtout viser des profils ayant fait leur preuve dans le
Top-management (Directeurs Généraux, Directeurs Généraux adjoints, secrétaires
généraux) et surtout ayant évolué dans des banques qui sont dans le
«haut du tableau» du secteur bancaire.
Rapidement, on se rend compte que le
processus de recrutement est loi d’être en conformité avec les critères
susmentionnés. Les deux premiers responsables de la BNA et la BH étaient des
directeurs centraux à la veille de leur nomination. Ils n’ont pas une
expérience minimale éprouvée dans la gestion globale d’une banque. Et puis, ils
ont une vision parcellaire de l’activité bancaire, puisque l’un est spécialiste
de la gestion de la trésorerie bancaire (Jaafar Khattech) et l’autre a exercé
principalement dans le domaine d’exploitation (chef d’agence centrale) pour
être promu depuis deux ans en tant que Directeur central corporate (Clientèle
entreprises).
Quant à l’Arab Tunisian Bank (ATB) il ne
s’agit pas d’une banque de référence en Tunisie. Au niveau des 10 principales
banques du paysage bancaire tunisien, elle est classée 9ème en
termes de total crédits net, 7ème en termes de total de dépôts et 9ème
aussi en termes de produit net bancaire.
D’autre part, L’ATB n’est pas un
opérateur majeur dans la ligne de métier crédits immobiliers (un encours de 400
MD uniquement) qui représente à ce jour la vocation principale de la BH. Le
«business model», hérité (partiellement) de celui de la banque mère (Arab Bank)
est plutôt orienté vers un mix entre l’activité crédit et l’activité «titres». D’ailleurs,
les bons de trésor (BTA) représentent 20% des actifs de la banque. L’ATB est la
seule banque du secteur bancaire tunisien à présenter un tel ratio d’emploi en
des titres souverains, toutes les autres banques ont un niveau d’emploi
inférieur à 10%.
Il est clair donc que la démarche de
nomination-recrutement a été dévoyée, et on est en droit de se poser des questions
sur un processus émaillé de zones d’ombre et d’insuffisances.
L’Etat se permet donc de faire des
erreurs de casting mais simultanément injectera de l’argent dit «frais» dans
les banques publiques, mais sans une gouvernance porteuse d’une vision, sans
des hommes aguerris et capables de relever les défis, cette fraicheur ne serait
qu’éphémère…
Et la Banque centrale dans toute cette
histoire ? N’a-t-elle pas un droit de regard(3) sur les nominations des
premiers responsables des banques ? Les banques doivent informer sans
délai la banque centrale de ces nominations…Et après ? Finalement, et concrètement la Banque
centrale n’est qu’une chambre d’enregistrement, on y vérifie certainement et au
moins le bulletin n°3 des nouveaux PDG de banques…
La BH et la BNA avaient besoin de managers d’une trempe particulière, capables de leur apporter de l’assurance, de la confiance et de les accompagner dans la réalisation de quelques victoires rapides en attendant le changement de cap qui se profile et qui ne tardera pas à se préciser.
La BH et la BNA se préparent à entrer
dans une zone de haute turbulence et elles sont dans le doute et l’incertitude.
Confrontées à des banques privées affutées, hantées par le spectre de la
restructuration et voyant leur destin se dessiner et se décider dans les feuillets
des consultants ; ces banques sont dans la tourmente. Vraisemblablement,
et au lieu de choisir les hommes de la situation, ce sont finalement des hommes
sans envergure particulière qui sont aux commandes de la BH et de la BNA…décevant…et
révoltant !
TERRA NOVA TUNISIE
(1) Le 8 Novembre 2013 Ahmed Rejiba a été nommé par le Ministre des Finances Elyes Fakhfakh (Gouvernement Larayedh) au poste de président-directeur général de la Banque de
l’Habitat (BH)
(2) Le 12 Mai 2011, Jaafar Khattech a été nommé par le Ministre des Finances Jalloul Ayed (Gouvernement Essebsi) au poste de président-directeur général de la Banque de
l’Habitat (BH)
(3) Loi 2001-65, Article 9 (dernier paragraphe)
avez-vous une idée sur leurs orientations politiques?
RépondreSupprimerComme il a été précisé, les deux nominations ont été effectuées sous deux gouvernements d'orientations politiques différentes (un gouvernement apolitique Essebsi, et un gouvernement émanant de l'alliance Troika). Indépendamment de la sensibilité politique, le choix d'un dirigeant d'une grande entreprise publique, et surtout de banques publiques en période particulièrement difficile, doit obéir à un processus permettant le choix d'hommes de la situation : des talents confirmés, porteurs de vision et ayant un Cv à la hauteur de la mission.....Rien n'a changé dans notre pays, la révolution a été définitivement avortée....Ennahdha et l'ancien système ont la main basse sur le pays.....
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