Incorrigibles cigales


Magazine n° 241

 
Il se dit que beaucoup de chauffeurs de taxi ne supportent plus d’écouter les infos au volant. Trop de mauvaises nouvelles, en flot continu. Corruption des politiques, faillite des Etats, effondrement des banques… Pourtant, sans vouloir en rajouter dans le pessimisme, le pire est peut-être à venir. D’abord parce que l’économie mondiale, jusqu’ici sur la ligne de crête, risque de tomber du côté de la récession. Ensuite parce que la France, contrairement à ses voisins, a à peine entamé son long chemin de croix appelé rigueur. Nous restons d’incorrigibles cigales, montrent les calculs réalisés pour Capital par l’économiste Henri Sterdyniak, de l’OFCE : toutes mesures confondues (réduction des dépenses et augmentation des impôts), l’effort budgétaire annoncé par notre pays pour la période 2010-2012 devrait s’élever à 4,3 points de PIB. C’est moitié moins que le Royaume-Uni, et deux fois et demie de moins que l’Espagne. «Notre stratégie est vraiment très molle», résume cet économiste. Si l’on avait le moindre doute, repassons le film de l’héroïque Jean-Pierre Raffarin acclamé par ses pairs pour avoir empêché le gouvernement d’augmenter la TVA sur les parcs à thème. Cette reculade face aux lobbies augure mal du courage des élus quand, demain, il ­faudra passer aux réformes sérieuses.
Une bonne dose de psychologie sera d’ailleurs nécessaire pour demander des efforts aux classes moyennes après avoir fait autant de cadeaux aux riches. Leurs revenus ont crû plus vite que la moyenne et leur taux global d’imposition a baissé. Aux Etats-Unis, le phénomène est encore plus marqué, rapporte notre envoyé spécial chez Apple , avec des écarts de revenus rarement atteints. On rencontre ainsi de plus en plus de managers qui se défoncent au boulot pour le plaisir, mais pas pour l’argent, tellement ils en ont déjà amassé. On les appelle les «Fuck you money»…
 
François Genthial, rédacteur en chef
REVUE CAPITAL