lundi 26 septembre 2011

SAMOURAI & KHOBZIST

Fukushima mon amour

Par Oualid JAAFAR *



Un cri du coeur pour que cette révolution ne trahisse pas son idéal
 

Voilà exactement 6 mois depuis la catastrophe de Fukushima : un tsunami et des milliers de morts, une menace effrayante d’un drame nucléaire et des citoyens qui ont étalé encore une fois l’immensité de leur talent comportemental et la profondeur de leur foi dans les principes et valeurs de la citoyenneté…..C’était le 11 mars, quand la nature a déclenché une colère dévastatrice avec l’exequatur divine.

Depuis ce 11 mars et les jours qui ont suivi, je demeure subjugué par l’abnégation et la fierté du peuple nippon. Je suis étreint par ces âmes lumineuses qui ne se sont pas pliées devant les vagues sauvages et les fumées insidieuses. C’est uniquement dans ces moments extrêmes et poignants que l’occasion se présente pour voir l’humanité dans son expression élévatrice vers l’idéal divin…..Fukushima mon amour.

Fukushima ou «l’île du bonheur» mérite amplement son appellation. Malgré les coupures d’électricité, le ravitaillement ténu en eau, et une peur bleue d’une issue catastrophique et d’un scénario à la Tchernobyl, le citoyen nippon demeurait stoïque, ne décolérait pas et s’était adapté sans beaucoup de bruits aux circonstances, aussi difficultueuses soient-elles. L’intérêt individuel s’effaçant devant «l’être ensemble»; c’est la prévalence d’un sentiment d’appartenance à une communauté aux destins homogènes…….Fukushima mon amour.

Les images qui défilaient montrant les Japonais, noyés dans l’effroi et l’incertitude, faire la queue d’une manière exemplaire obéissant aux règles de la géométrie dans sa droiture et aux règles de l’algèbre dans ses intervalles, illustraient parfaitement la transcendance dans un moment d’adversité extrême….. Fukushima mon amour, je suis jaloux de ces retraités japonais prêts à intervenir bénévolement pour nettoyer le site nucléaire comme ce brave Kazuhiko Ishida qui, lorsqu’il a informé sa femme de sa décision, elle lui a répondu de faire ce qu’il croyait devoir faire ……Ces hommes et femmes de l’archipel nippon, aux ressources naturelles modestes, ne seraient-ils pas le peuple élu de Dieu par leur vaillance, leur humilité et leur capacité à donner en permanence un sens à leur existence ?

Ce peuple, donneur de véritables leçons à profusion tout au long de son histoire, observait aussi de très loin d’autres peuples en effervescence, comme le peuple tunisien, en train de faire ou de parfaire leurs révolutions. Après le 14 janvier, nous Tunisiens, nous pensions naïvement que nous nous érigions déjà en peuple exemplaire, en nombril du monde et voilà que resurgissaient nos vieux-nouveaux démons : cupidité, avidité, impatience, après moi le déluge et j’en oublie …Notre élite, a eu aussi l’occasion de s’illustrer (elle sévit encore et toujours) par son égocentrisme et sa vision exigüe et par son incapacité à s’élever à ses responsabilités historiques…..Avouons-le, c’est un antagonisme patent entre l’esprit Samouraï discipliné et dévoué d’une part et l’esprit «khobzist» tunisien dépourvu de vision générale, marqué d’un égoïsme cancéreux et couplé d’un opportunisme aveugle.

Fukushima mon amour, c’est une brise lointaine pleine de courage et d’abnégation qui a envoûté mon âme et sublimé mon cœur…..oui la révolution tunisienne m’a aussi insufflé un élan extraordinaire d’espoir mais avec les routes bloquées, avec ce banditisme qu’on qualifie désormais d’innocent et de spontané, avec les grèves anarchiques et ouvertes, j’ai peur que cette révolution ne soit porteuse que d’une odeur de jasmin éphémère et que Fukushima restera mon amour unique et orphelin……

Fukushima mon amour……Je suis très loin et je vis mon chagrin à des milliers de kilomètres de toi. Et ce qui intensifie mon émoi, ce sont ces sournoiseries que je vis autour de moi et ce renversement d’une culture de thuriféraires et de passivité ambiante à un esprit de dénigrement systématique et de doute mécanique illustrant une attitude tunisienne kaléidoscopique. Une physionomie comportementale qui s’oppose foncièrement à une constance dans l’attitude nipponne où la tergiversation et la valse des positions ont rarement la chance d’y pénétrer. C’est la ligne directrice rectiligne qui garantit cette constance, et c’est cette ligne directrice qui a fait la différence à Fukushima.

La critique et la consternation avaient aussi leur place au pays du soleil Levant mais sans cafouillages ni dérapages. En Tunisie, c’est plutôt le vacarme idéologique qui prévaut. Le comble de ce charivari est singulièrement illustré par ces preneurs en otage de l’identité tunisienne, qui, selon leur vision «avant-gardiste», doit être «casée» dans ce sarcophage d’identité arabo-musulmane. Alors, au risque de choquer les porte-drapeaux de l’identité arabo-musulmane dans nos contrées, je clame haut et fort ma prédisposition, voire mon impatience d’intégrer les vertus incommensurables de l’identité nippone vaillante et courageuse dans mon génome identitaire et de lui octroyer la primeur de mon attachement. Identité arabo-musulmane me dites-vous ? Je vous dirai tout bonnement que mon identité est en perpétuel enrichissement, mon identité est encline à être un réceptacle des valeurs de bravoure, de stoïcisme, de dévouement et de dignité comme celles jaillissantes de l’acte d’immolation de feu Mohamed Bouazizi. Cet acte juteux d’enseignements et pénétrant de luminosité fait désormais partie intégrante de mon identité; un acte dans la lignée de la culture japonaise, un vent divin libérateur qui est étrange (et c’est un euphémisme appuyé) au domaine de définition de l’identité arabo-musulmane : alors qu’en dites vous inquisiteurs identitaires et chevaliers de la vingt-cinquième heure ?

Oui, en épousant les valeurs dont la démonstration a été faite à Fukushima, je commence à entrevoir le chemin vers mon essence et vers mon idéal divin, et je commence à être convaincu que je saurai donner un vrai sens à mon existence nonobstant l’hypocrisie et la bêtise de mes frères qui tancent, manigancent et érigent les potences pour scléroser cette identité arabo-musulmane et transformer ses dérivés en autant d’impedimenta à la marche vers le progrès.

Fukushima mon amour, je te survivrai à chaque instant et dans chaque recoin et j’ai espoir que viendra le jour où je dirai Tunisie mon amour, non pas par patriotisme improvisé ou nationalisme aveugle mais par conviction sentimentale aussi !



Auteur : O.J. *(Citoyen tunisien)

Ajouté le : 14-09-2011

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