"Le désordre politique actuel au Moyen-Orient était
dû au fait que trop d’États soutiennent trop de belligérants différents"
"il y a une dictature dure, avec plusieurs couches, comme un oignon : le clan Moubarak, les structures militaires, la dictature religieuse"
Vivant entre Le Caire et Berlin, Hamed Abdel Samad est un fin observateur de la vie politique dans le monde arabe et en Egypte. En 2010, il a publié son essai prémonitoire «La chute du monde islamique». Dans cet essai, il prédisait l’effondrement du monde islamique, surtout dans sa partie arabe.
Ce jeune
quadra a commencé sa carrière en tant que romancier avec un roman qui a eu un
succès international, «Mes adieux au Ciel», dans lequel il soulevait un
tabou : les viols d’enfants dans les sociétés arabo-islamiques, ce dont il
avait été lui-même victime.
Ce militant laïc (il dit séculariste) porte en lui les contradictions que vivent la plupart de ses contemporains nés dans l’islam, c’est-à-dire le double poids de la modernité et de la tradition. Cette contradiction, déclarée, reconnue, transparaît dans ses écrits et ses déclarations.
Il a enseigné à l’université de Munich et travaille désormais en free lance. Il publie des livres et des articles en Allemagne et en Egypte.
Il nous livre ses réflexions sur les évolutions politiques actuelles.
En 2010,
vous avez publié «La chute du monde musulman », Quelle est votre
analyse ?
Quelques mois avant le Printemps arabe, j’ai en effet publié cet ouvrage. Mais je n’y ai pas prédit la révolution. En revanche, j’ai prédit de l’instabilité politique et sociale, des troubles dans le monde arabe.
J’y
ai écris que bientôt les Etats perdraient leur contrôle sur leurs peuples. J’ai
aussi dit que ce qui s’était passé en Algérie dans les années 90 allait se
répéter dans d’autres Etats arabes au vu des tensions croissantes entre
mouvements sécularistes et mouvements islamistes.
C’est ce
que j’ai appelé « le choc des civilisations interne ». Ce choc
culturel est dangereux car il peut mener de nombreux pays vers le
désordre ; mais c’est un choc inévitable.
Les Frères musulmans, un mouvement fasciste qui a
des similitudes avec le nazisme.
Après une
conférence sur le fascisme religieux en juin au Caire, vous avez reçu des
menaces de mort. Des religieux égyptiens et un clerc d’Al Azhar ont publié une
fatwa appelant à votre meurtre. Quelle a été votre réaction ?
Eh bien,
j’ai décrit le mouvement des Frères musulmans (FM) comme un mouvement fasciste
et fait un parallèle avec le mouvement nazi de l’Allemagne des années 30. Les
deux expriment un refus de la démocratie, affirment la suprématie de leurs
peuples, glorifient la culture de la mort et du martyr tout en demandant à
leurs sympathisants une obéissance et une fidélité aveugles.
Les deux
ont utilisé la démocratie comme un cheval de Troie pour atteindre le
pouvoir et, ensuite, les deux ont démontré leur visage dictatorial. Les
deux ont cru pouvoir conquérir le monde, mais les deux ont apporté beaucoup de
souffrances à leurs peuples.
J’ai
aussi dit que le fascisme islamique n’avait pas commencé avec les Frères
musulmans mais qu’il était enraciné dans l’histoire de l’Islam, transmis par
Ibn-Taymiya et plus tard Ibn Abdel-Wahhab.
Ma réaction à la fatwa ? Au début j’ai pensé que c’était une plaisanterie. Vous accusez quelqu’un d’être fasciste et il vous répond : « Non, je ne suis pas fasciste du tout, mais je vous tuerai ».
Vous avez
récemment déclaré que le désordre politique actuel au Moyen-Orient était dû au
fait que trop d’Etats soutiennent trop de belligérants différents.
Expliquez-vous ?
J’ai
écrit que :
1-les pays du Golfe soutiennent l’armée égyptienne contre les
Frères musulmans (FM) mais ils soutiennent les Frères en Syrie contre Al Assad.
2- Les Etats-Unis soutiennent les FM en Egypte et en Syrie, luttent contre Al
Qaida en Irak mais le soutiennent en Syrie.
3-Quant à l’Iran, elle soutient
Damas, le Hezbollah et le Hamas, mais ce dernier soutient les FM en Syrie.
4-La Turquie
soutient les FM en Egypte et en Syrie, parfois en accord avec les pays du
Golfe, parfois contre eux, tandis que la Turquie est le principal partenaire
économique et militaire d’Israël dans la région ! »
Par
rapport à Tariq Ramadan, où vous situez-vous sur les plans politique et
idéologique ?
Tariq
Ramadan vend de vieilles idées dans un nouvel emballage. Il tente de promouvoir
en Occident l’Islam comme étant démocratique et pluraliste. Il croit ou veut
faire croire à l’Occident que la Charia est compatible avec la démocratie.
Je suis un libéral et je crois que la Charia est contre la démocratie car
pour la Charia, Dieu est le législateur suprême et ses lois ne sont pas
négociables. La démocratie signifie que les lois sont négociables et que
des hommes de background et avec des points de vue différents arbitrent entre
différents intérêts.
Je crois que
le sécularisme est la meilleure protection, pour les religions elles-mêmes,
car il garantit la liberté de croire comme de ne pas croire. Cela est
exactement ce que les adeptes de l’islam politique détestent. Ils veulent tous
les droits pour eux-mêmes mais veulent réduire les droits de ceux qui ont des
idées et des croyances différentes des leurs. Tariq Ramadan pense cela, mais il
sourit tout en disant le contraire.
Les jeunes Egyptiens ont soif de liberté et de
démocratie
Finalement,
à votre avis, quelle direction politique l’Egypte est-elle en train de
prendre ?
L’Egypte
vient juste de débuter un long voyage vers la démocratie. La
démocratie n’est pas un fruit qui tombe d’un arbre sur des gens qui ont de la
chance ; l’arbre lui-même a besoin qu’on en prenne soin, qu’on
l’arrose patiemment jusqu’à ce qu’il porte des fruits.
En Egypte, il y a une dictature dure, avec plusieurs couches, comme un oignon : le clan Moubarak, les structures militaires, la dictature religieuse. Le peuple égyptien est en train d’enlever couche après couche. Cela prend du temps, cela nous fait parfois pleurer, mais nous continuons.
Les jeunes Egyptiennes et Egyptiens ont soif de liberté et de démocratie ; ils les méritent et ils les obtiendront, quel qu’en soit le prix.
Vivant entre Le Caire et Berlin, Hamed Abdel Samad est un fin
observateur de la vie politique dans le monde arabe et en Egypte. En
2010, il a publié son essai prémonitoire «La chute du monde islamique».
Dans cet essai, il prédisait l’effondrement du monde islamique, surtout dans sa partie arabe.
Ce jeune quadra a commencé sa carrière en tant que romancier avec un roman qui a eu un succès international, «Mes adieux au Ciel», dans lequel il soulevait un tabou : les viols d’enfants dans les sociétés arabo-islamiques, ce dont il avait été lui-même victime.
Ce militant laïc (il dit séculariste) porte en lui les contradictions que vivent la plupart de ses contemporains nés dans l’islam, c’est-à-dire le double poids de la modernité et de la tradition. Cette contradiction, déclarée, reconnue, transparaît dans ses écrits et ses déclarations.
Il a enseigné à l’université de Munich et travaille désormais en free lance. Il publie des livres et des articles en Allemagne et en Egypte.
Il nous livre ses réflexions sur les évolutions politiques actuelles.
En 2010, vous avez publié «La chute du monde musulman ». Quelle est votre analyse ?
Quelques mois avant le Printemps arabe, j’ai en effet publié cet ouvrage. Mais je n’y ai pas prédit la révolution. En revanche, j’ai prédit de l’instabilité politique et sociale, des troubles dans le monde arabe.
J’y ai écris que bientôt les Etats perdraient leur contrôle sur leurs peuples. J’ai aussi dit que ce qui s’était passé en Algérie dans les années 90 allait se répéter dans d’autres Etats arabes au vu des tensions croissantes entre mouvements sécularistes et mouvements islamistes.
C’est ce que j’ai appelé « le choc des civilisations interne ». Ce choc culturel est dangereux car il peut mener de nombreux pays vers le désordre ; mais c’est un choc inévitable.
Les Frères musulmans, un mouvement fasciste qui a des similitudes avec le nazisme
Après une conférence sur le fascisme religieux en juin au Caire, vous avez reçu des menaces de mort. Des religieux égyptiens et un clerc d’Al Azhar ont publié une fatwa appelant à votre meurtre. Quelle a été votre réaction ?
Eh bien, j’ai décrit le mouvement des Frères musulmans (FM) comme un mouvement fasciste et fait un parallèle avec le mouvement nazi de l’Allemagne des années 30. Les deux expriment un refus de la démocratie, affirment la suprématie de leurs peuples, glorifient la culture de la mort et du martyr tout en demandant à leurs sympathisants une obéissance et une fidélité aveugles.
Les deux ont utilisé la démocratie comme un cheval de Troie pour atteindre le pouvoir et, ensuite, les deux ont démontré leur visage dictatorial. Les deux ont cru pouvoir conquérir le monde, mais les deux ont apporté beaucoup de souffrances à leurs peuples.
J’ai aussi dit que le fascisme islamique n’avait pas commencé avec les Frères musulmans mais qu’il était enraciné dans l’histoire de l’Islam, transmis par Ibn-Taymiya et plus tard Ibn Abdel-Wahhab.
Ma réaction à la fatwa ? Au début j’ai pensé que c’était une plaisanterie. Vous accusez quelqu’un d’être fasciste et il vous répond : « Non, je ne suis pas fasciste du tout, mais je vous tuerai ».
Vous avez récemment déclaré que le désordre politique actuel au Moyen-Orient était dû au fait que trop d’Etats soutiennent trop de belligérants différents. Expliquez-vous.
J’ai écrit que « les pays du Golfe soutiennent l’armée égyptienne contre les Frères musulmans (FM) mais ils soutiennent les Frères en Syrie contre Al Assad. Les Etats-Unis soutiennent les FM en Egypte et en Syrie, luttent contre Al Qaida en Irak mais le soutiennent en Syrie. Quant à l’Iran, elle soutient Damas, le Hezbollah et le Hamas, mais ce dernier soutient les FM en Syrie. La Turquie soutient les FM en Egypte et en Syrie, parfois en accord avec les pays du Golfe, parfois contre eux, tandis que la Turquie est le principal partenaire économique et militaire d’Israël dans la région ! »
Par rapport à Tariq Ramadan, où vous situez-vous sur les plans politique et idéologique ?
Tariq Ramadan vend de vieilles idées dans un nouvel emballage. Il tente de promouvoir en Occident l’Islam comme étant démocratique et pluraliste. Il croit ou veut faire croire à l’Occident que la Charia est compatible avec la démocratie. Je suis un libéral et je crois que la Charia est contre la démocratie car pour la Charia, Dieu est le législateur suprême et ses lois ne sont pas négociables. La démocratie signifie que les lois sont négociables et que des hommes de background et avec des points de vue différents arbitrent entre différents intérêts.
Je crois que le sécularisme est la meilleure protection, pour les religions elles-mêmes, car il garantit la liberté de croire comme de ne pas croire. Cela est exactement ce que les adeptes de l’islam politique détestent. Ils veulent tous les droits pour eux-mêmes mais veulent réduire les droits de ceux qui ont des idées et des croyances différentes des leurs. Tariq Ramadan pense cela, mais il sourit tout en disant le contraire.
Les jeunes Egyptiens ont soif de liberté et de démocratie
Finalement, à votre avis, quelle direction politique l’Egypte est-elle en train de prendre ?
L’Egypte vient juste de débuter un long voyage vers la démocratie. La démocratie n’est pas un fruit qui tombe d’un arbre sur des gens qui ont de la chance ; l’arbre lui-même a besoin qu’on en prenne soin, qu’on l’arrose patiemment jusqu’à ce qu’il porte des fruits.
En Egypte, il y a une dictature dure, avec plusieurs couches, comme un oignon : le clan Moubarak, les structures militaires, la dictature religieuse. Le peuple égyptien est en train d’enlever couche après couche. Cela prend du temps, cela nous fait parfois pleurer, mais nous continuons.
Les jeunes Egyptiennes et Egyptiens ont soif de liberté et de démocratie ; ils les méritent et ils les obtiendront, quel qu’en soit le prix.
Dans cet essai, il prédisait l’effondrement du monde islamique, surtout dans sa partie arabe.
Ce jeune quadra a commencé sa carrière en tant que romancier avec un roman qui a eu un succès international, «Mes adieux au Ciel», dans lequel il soulevait un tabou : les viols d’enfants dans les sociétés arabo-islamiques, ce dont il avait été lui-même victime.
Ce militant laïc (il dit séculariste) porte en lui les contradictions que vivent la plupart de ses contemporains nés dans l’islam, c’est-à-dire le double poids de la modernité et de la tradition. Cette contradiction, déclarée, reconnue, transparaît dans ses écrits et ses déclarations.
Il a enseigné à l’université de Munich et travaille désormais en free lance. Il publie des livres et des articles en Allemagne et en Egypte.
Il nous livre ses réflexions sur les évolutions politiques actuelles.
En 2010, vous avez publié «La chute du monde musulman ». Quelle est votre analyse ?
Quelques mois avant le Printemps arabe, j’ai en effet publié cet ouvrage. Mais je n’y ai pas prédit la révolution. En revanche, j’ai prédit de l’instabilité politique et sociale, des troubles dans le monde arabe.
J’y ai écris que bientôt les Etats perdraient leur contrôle sur leurs peuples. J’ai aussi dit que ce qui s’était passé en Algérie dans les années 90 allait se répéter dans d’autres Etats arabes au vu des tensions croissantes entre mouvements sécularistes et mouvements islamistes.
C’est ce que j’ai appelé « le choc des civilisations interne ». Ce choc culturel est dangereux car il peut mener de nombreux pays vers le désordre ; mais c’est un choc inévitable.
Les Frères musulmans, un mouvement fasciste qui a des similitudes avec le nazisme
Après une conférence sur le fascisme religieux en juin au Caire, vous avez reçu des menaces de mort. Des religieux égyptiens et un clerc d’Al Azhar ont publié une fatwa appelant à votre meurtre. Quelle a été votre réaction ?
Eh bien, j’ai décrit le mouvement des Frères musulmans (FM) comme un mouvement fasciste et fait un parallèle avec le mouvement nazi de l’Allemagne des années 30. Les deux expriment un refus de la démocratie, affirment la suprématie de leurs peuples, glorifient la culture de la mort et du martyr tout en demandant à leurs sympathisants une obéissance et une fidélité aveugles.
Les deux ont utilisé la démocratie comme un cheval de Troie pour atteindre le pouvoir et, ensuite, les deux ont démontré leur visage dictatorial. Les deux ont cru pouvoir conquérir le monde, mais les deux ont apporté beaucoup de souffrances à leurs peuples.
J’ai aussi dit que le fascisme islamique n’avait pas commencé avec les Frères musulmans mais qu’il était enraciné dans l’histoire de l’Islam, transmis par Ibn-Taymiya et plus tard Ibn Abdel-Wahhab.
Ma réaction à la fatwa ? Au début j’ai pensé que c’était une plaisanterie. Vous accusez quelqu’un d’être fasciste et il vous répond : « Non, je ne suis pas fasciste du tout, mais je vous tuerai ».
Vous avez récemment déclaré que le désordre politique actuel au Moyen-Orient était dû au fait que trop d’Etats soutiennent trop de belligérants différents. Expliquez-vous.
J’ai écrit que « les pays du Golfe soutiennent l’armée égyptienne contre les Frères musulmans (FM) mais ils soutiennent les Frères en Syrie contre Al Assad. Les Etats-Unis soutiennent les FM en Egypte et en Syrie, luttent contre Al Qaida en Irak mais le soutiennent en Syrie. Quant à l’Iran, elle soutient Damas, le Hezbollah et le Hamas, mais ce dernier soutient les FM en Syrie. La Turquie soutient les FM en Egypte et en Syrie, parfois en accord avec les pays du Golfe, parfois contre eux, tandis que la Turquie est le principal partenaire économique et militaire d’Israël dans la région ! »
Par rapport à Tariq Ramadan, où vous situez-vous sur les plans politique et idéologique ?
Tariq Ramadan vend de vieilles idées dans un nouvel emballage. Il tente de promouvoir en Occident l’Islam comme étant démocratique et pluraliste. Il croit ou veut faire croire à l’Occident que la Charia est compatible avec la démocratie. Je suis un libéral et je crois que la Charia est contre la démocratie car pour la Charia, Dieu est le législateur suprême et ses lois ne sont pas négociables. La démocratie signifie que les lois sont négociables et que des hommes de background et avec des points de vue différents arbitrent entre différents intérêts.
Je crois que le sécularisme est la meilleure protection, pour les religions elles-mêmes, car il garantit la liberté de croire comme de ne pas croire. Cela est exactement ce que les adeptes de l’islam politique détestent. Ils veulent tous les droits pour eux-mêmes mais veulent réduire les droits de ceux qui ont des idées et des croyances différentes des leurs. Tariq Ramadan pense cela, mais il sourit tout en disant le contraire.
Les jeunes Egyptiens ont soif de liberté et de démocratie
Finalement, à votre avis, quelle direction politique l’Egypte est-elle en train de prendre ?
L’Egypte vient juste de débuter un long voyage vers la démocratie. La démocratie n’est pas un fruit qui tombe d’un arbre sur des gens qui ont de la chance ; l’arbre lui-même a besoin qu’on en prenne soin, qu’on l’arrose patiemment jusqu’à ce qu’il porte des fruits.
En Egypte, il y a une dictature dure, avec plusieurs couches, comme un oignon : le clan Moubarak, les structures militaires, la dictature religieuse. Le peuple égyptien est en train d’enlever couche après couche. Cela prend du temps, cela nous fait parfois pleurer, mais nous continuons.
Les jeunes Egyptiennes et Egyptiens ont soif de liberté et de démocratie ; ils les méritent et ils les obtiendront, quel qu’en soit le prix.
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