Ennahdha, ses vieux démons et ses perspectives républicaines (2ème partie)
Par Oualid JAAFAR*
L’observation de l’exercice de communication d’Ennahdha suscite des incompréhensions et des interrogations qui frôlent par moments l’inquiétude. D’abord, ce qu’on relève comme première caractéristique notoire et vérifiable, c’est la variation du discours du parti sur certaines questions critiques en fonction du support médiatique. Alors que dans la presse écrite, Ennahdha renoue (parfois) avec son attachement conceptuel à l’application de la chariaâ (comme l’application des châtiments corporels) et aux notions d’interdit et de prohibition, la communication préconisée sur les plateaux de télévision est plutôt conciliante et évite (intelligemment) de traiter les questions épineuses et sujettes aux controverses. La même différenciation se trouve vérifiée suivant qu’il s’agisse d’un média national ou d’un média (ou organisme) international. Zied Doulatli avait déclaré par exemple à l’International Crisis Group que «le parti est disposé à avoir une présence seulement limitée au parlement, plafonnant autour de 15%, quitte à volontairement ne pas se présenter dans toutes les régions». Une telle affirmation n’a jamais été clairement évoquée au niveau de médias tunisiens.
Quant au contenu de la communication, il comporte une anomalie conceptuelle itérative : pour répondre à des questions portant sur des détails ou des éléments factuels, la réponse des cadors d’Ennahdha est toujours générale. Résultat : un message sujet à multiples interprétations qui ne fait qu’alimenter les supputations et donner libre cours aux spéculations.
L’exercice peut frôler le ridicule quand par exemple Ajmi Lourimi s’ingénie, sur les ondes d’une radio, à esquiver les questions embarrassantes. Ainsi, à une question concernant la stratégie culturelle du parti et sa position concernant la liberté de l’artiste, il répond «Ennahdha n’est pas responsable de la fermeture des salles de Cinéma en Tunisie», et à celle concernant sa position à propos des menaces proférées à l’encontre de Nouri Bouzid sur Facebook, la réponse est extra-terrestre et porte sur le compte Facebook de Mr Ourimi qui a d’ailleurs tenu à préciser qu’il a des amis en commun avec Hamma Hammami……des réponses sibyllines.
Enfin, ce qui est aussi remarquable, c’est qu’Ennahdha (à part la condamnation franche et sans équivoque des évènements de Rouhia) tergiverse dans ses prises de position en rapport avec les actes d’atteinte aux libertés comportementales des citoyens. Il ne les cautionne pas, certes, mais il ne les condamne pas non plus. C’est un mode d’emploi pour bénéficier des voix des intégristes sans l’être, une subtilité malencontreuse, une politique d’optimisation électorale….. Ennahdha serait-il en train de réinventer (après Oscar Wild) le jeu de Dorian Grey qui vend son âme au diable pour garder une jeunesse éternelle grâce à un portrait magique qui finira par lui sceller une fin dramatique ? On n’ose même pas y songer….
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