Avortement: la Régression Espagnole
Il fut un temps où l'Espagne montrait la voie en matière de droits des femmes. Le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero innova en mettant en pratique, en 2004, une authentique parité au gouvernement. C'est aussi à Madrid qu'a été conçue et appliquée l'une des politiques les plus progressistes d'Europe pour lutter contre le fléau de la violence conjugale.
Malheureusement, la dynamique s'est inversée. Si l'Espagne revendique
aujourd'hui un rôle pionnier sur les droits des femmes, c'est dans la
régression.
Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy est en train
d'opérer un virage à 180 degrés sur l'avortement. L'avant-projet de la loi de protection de la vie de l'être
conçu et des droits de la femme enceinte, présenté en conseil des
ministres peu avant Noël, supprime purement et simplement le droit des
femmes à décider librement d'interrompre
leur grossesse. Ce droit, consacré par une loi entrée en vigueur en
2010, en autorisant l'avortement sans condition de motif jusqu'à la
quatorzième semaine de grossesse, avait considérablement libéralisé la législation post-franquiste de 1985.
Le nouveau texte, proposé par le ministre de la justice et qui doit être
bientôt soumis au Parlement, est plus restrictif encore que celui de
1985. Il n'autorise l'avortement que dans deux cas :
(1)- s'il y a eu viol
(2)- si la santé physique ou psychique de la mère est menacée « de manière durable ou permanente ». Ce risque devra être
certifié par deux médecins différents, étrangers à l'établissement où
serait pratiquée l'IVG.
La loi de 1985 permettait l'avortement en cas de
malformation du fœtus, ce que ne prévoit plus le projet de loi actuel.
« On ne peut laisser la vie du foetus dépendre exclusivement de l'avis de la mère », a jugé M. Ruiz Gallardon, le Ministre de la justice. Dans ce cas, il faut être dans la deuxième possibilité pour être autorisé à interrompre la grossesse (menace durable sur la santé psychique de la mère, tout en respectant les conditions particulières prévues par le projet de loi) [NDLR].
M. Rajoy avait promis, pendant la campagne électorale, de revenir sur la loi de 2010, très critiquée par l'épiscopat espagnol et la droite conservatrice, mais il n'avait pas laissé entendre
que ce serait de manière aussi radicale. Cette initiative n'est fondée
sur aucune justification de santé publique, puisque le nombre d'IVG
pratiquées en Espagne était en baisse en 2012.
Les motivations du
ministre de la justice sont, en réalité, d'ordre idéologique : M. Ruiz
Gallardon déclare « en avoir fini avec le mythe de la supériorité morale de la gauche » et veut à présent porter sa croisade anti-avortement devant le Parlement européen.
Le gouvernement espagnol est, dans ce domaine, à contre-courant.
Vingt des vingt-huit Etats de l'UE reconnaissent le droit des femmes à décider librement de leur grossesse dans les douze à quatorze premières semaines. Six l'assortissent de conditions ; seuls deux, Malte et l'Irlande, interdisent l'avortement. Ce droit, acquis de haute lutte par les femmes comme une reconnaissance de leur liberté de disposer
de leur corps, est un droit fondamental. M. Rajoy commet une grave
erreur en en faisant un instrument de reconquête idéologique.
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