vendredi 2 mai 2014

L'Égypte, la Révolution, les Frères Musulmans et... Visconti





Olivier Ravanello


après des débuts au service international de LCI, il devient Grand Reporter notamment au proche et moyen orient. Deux mois de reportage dans l'Irak en guerre, la couverture de la réélection de George Bush Junior, son poste de correspondant permanent à Moscou pour TF1 et LCI et la Prix de la Presse diplomatique, ont fait de lui un véritable Expert en questions internationales. 





L'Égypte, la Révolution, les Frères Musulmans et... Visconti (1)




En Égypte, alors que l’élection présidentielle approche, les procès contre les frères musulmans se multiplient. 700 condamnés à mort qui s’ajoutent aux 500 autres il y a quelques semaines. Le début d’une dérive sanguinaire ? Surtout la fin de la révolution.
J’adore le Guépard(2). C’est mon film fétiche. Il y a la quintessence de l’Italie que j’aime. La culture, la beauté et surtout, l’intelligence distanciée sur les hommes, leurs passions et la première d’entre elles : la politique, la révolution ! Quand les Français la font, le sang envahit les rues, chacun est sommé de s’engager pour ou contre et le pays en sort lardé de plaies béantes. En Italie, Garibaldi et ses copains étaient au départ à peine 150. Et la révolution, il fallait la faire pour que rien ne change !
Le régime de Moubarak était vieux, corrompu, népotiste

Tout change pour que rien ne change. C’est ce qu’ont bien compris les généraux égyptiens, la nouvelle garde qui arrive au pouvoir aux côtés d’al-Sissi. Le régime de Moubarak était vieux, corrompu, népotiste. Mais rien ne pouvait le changer. Le Raïs voulait passer la main à son fils, qui ne pensait qu’à une seule chose : s’enrichir. La révolution est passée par là. Les jeunes dans la rue, par milliers, par millions. Les slogans ("dégage", "la liberté tout de suite", "dehors les momies"). L’illusion que Facebook pouvait conduire au pouvoir.





Ces jeunes qui rêvaient d’une Égypte moderne, ouverte, démocratique, ont vu arriver au pouvoir l’obscurantisme fait politique. Les frères musulmans dans leur version originale, brute de décoffrage, lancée pour une reprise en main de la société, avec la morale de l’islam comme Alpha et Oméga. Un exemple, un seul, de cette contre-révolution qui gagnait le pays : les ballets de l’opéra russe annulés parce que les tutus sont une insulte au prophète ! On aurait aimé pouvoir en rire.


      La révolution aura permis à une nouvelle génération d’arriver au pouvoir


Par millions, ils sont descendus dans la rue pour dire non, et l’armée qui n’attendait que ça est venue leur prêter main forte. Ces jeunes qui voulaient la liberté sans condition se sont mis à applaudir des hélicoptères de l’armée comme s’ils étaient l’emblème de la démocratie ! Mais le cauchemar Morsi leur avait fait tellement peur que se réveiller avec al-Sissi relevait de la lune de miel. Aujourd’hui, cette armée remet les choses telles qu’elles étaient avant. Les généraux au pouvoir, une constitution qui sépare l’Islam et l’État, et des décrets pour définir un cadre de liberté relatif.


Au final, la révolution aura permis à une nouvelle génération d’arriver au pouvoir. Cette génération bloquée et dégoutée par Moubarak a repris en main le destin du plus grand pays arabe de la planète. Il y a du Tancrède(2) chez cet al-Sissi : "Croyez-moi mon oncle, si nous ne nous en mêlons pas, ils vont nous faire la révolution en moins de deux ! Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change"...


(1)  Visconti : Luchino Visconti di Modrone  est un réalisateur et metteur en scène italien

(2) Le Guépard : ((Il Gattopardo) est un film franco-italien réalisé par Luchino Visconti, adapté du roman homonyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, sorti en 1963. Il a reçu la Palme d'or au Festival de Cannes 1963.

 Synopsis
 En mai 1860, après le débarquement de Garibaldi en Sicile, à Marsala, Don Fabrizio assiste avec  détachement et mélancolie à la fin de l'aristocratie. Ces aristocrates comprennent que la fin de leur supériorité est désormais proche : en fait, ceux qui profitent de la nouvelle situation politique sont les administrateurs et grands propriétaires terriens de la nouvelle classe sociale qui monte. Don Fabrizio, appartenant à une famille d'ancienne noblesse, est rassuré par son neveu préféré Tancrède qui, bien que combattant dans les colonnes garibaldiennes, cherche à faire tourner les événements à son avantage. Tancrède explique à son oncle : « Si nous ne nous mêlons pas de cette affaire, ils vont nous fabriquer une république. Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change ».



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