La BCT; les experts, la banque
mondiale et je ne sais pas qui encore, ne cessent de vanter les vertus de la
dépréciation du dinar. Les uns la présentent comme une nécessité, les autres y
voient une potion magique pour relancer les exportations, maîtriser les importations et redresser ainsi le déficit de la balance commerciale. Le Gouverneur de la BCT l'a récemment rappelé(1) : le dinar doit encore baisser !
La réussite de cette transmission vertueuse est conditionnée par la capacité des opérateurs économiques à se rabattre sur des sources d’approvisionnement locales aussi bien en matières premières qu'en outils de production, pour pouvoir bénéficier effectivement de l'effet compétitivité prix. Autrement, et en l'absence de filières intégrées (et c'est le cas de plusieurs secteurs de l'économie tunisienne), la dépréciation du dinar serait plutôt une source d'inflation importée. Et puis la productivité,l'innovation et la fiabilité demeurent les facteurs de compétitivité durables pour tout secteur productif.
Enfin, n'oublions pas l'impact de la dépréciation du dinar sur les finances publiques, vu le poids du remboursement de la dette publique libellée en devises.
Ce papier de Ezzeddine BEN HAMIDA, publié sur le site Leaders, explique clairement comment la dépréciation du dinar n'est pas véritablement porteuse de remède pour les exportations tunisiennes....
Enfin, n'oublions pas l'impact de la dépréciation du dinar sur les finances publiques, vu le poids du remboursement de la dette publique libellée en devises.
Ce papier de Ezzeddine BEN HAMIDA, publié sur le site Leaders, explique clairement comment la dépréciation du dinar n'est pas véritablement porteuse de remède pour les exportations tunisiennes....
(1) Le dinar devrait baisser pour atteindre son niveau d'équilibre (Chedly Ayari)
TERRA NOVA TUNISIE
TERRA NOVA TUNISIE
EZZEDDINE BEN HAMIDA
Docteur en Sciences Economiques
Chroniqueur
1 euro = 2,2 dinars, est-il raisonnable ?
Pendant longtemps les autorités tunisiennes ont cru, hélas ils croient encore,
que la dépréciation du dinar est de nature à stimuler inlassablement, grâce à
un regain de compétitivité-prix,nos exportations et à limiter nos
importations.
Ainsi, nos autorités monétaires et politiques, par le passé mais
aussi dans le présent, considèrent qu’une baisse de la valeur du taux de change
est le remède (en somme une recette magique, un véritable leitmotiv) pour
résoudre notre déficit chronique en matière d’échanges extérieurs.
Contrairement à la
dévaluation, qui est une baisse du taux de change décidée par les autorités
monétaires dans le cadre d’un régime de change fixe, une dépréciation est une
baisse du taux de change au gré de l’offre et de la demande de devises sur le
marché des changes.
Sur le site de la BCT on peut lire le paragraphe suivant : «Le taux de change du dinar tunisien (TND) est déterminé sur le marché
interbancaire. Dans ce cadre, les banques de la place s’échangent les devises
entre elles ou avec la clientèle à des cours librement négociés. Le rôle de La
Banque Centrale de Tunisie consiste à intervenir pour réguler la liquidité sur
le marché en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande des devises sur ce
marché».
La BCT peut donc intervenir pour soutenir le dinar comme elle peut
faire le choix de le laisser se déprécier!
En réalité, la BCT
avait opté, structurellement, depuis le début des années 80 pour un dinar
faible: Entre 1983 et 1991, le taux de change effectif nominal (TCEN) du dinar
s’est déprécié en moyenne de 5% par an. Contrairement à la décennie des années
90 où le taux de change effectif réel (TCER) du dinar était beaucoup plus
stable avec une dépréciation de 1% en moyenne par an, la décennie des années
2000 a quasiment sonné le glas du dinar face à l’euro. En effet, nous sommes
passés de 1,1 dinar pour 1 euro en 2001 à 2,1 dinars pour 1 euro aujourd’hui,
soit une dépréciation de plus de 50% en onze ans.
Que dit la théorie
économique?
Une dévaluation ou une
dépréciation du taux de change peut favoriser en effet la compétitivité des
entreprises exportatrices en diminuant les prix des produits qu’elles veulent
vendre à l’étranger. De facto, les produits importés deviennent aussi plus
chers ; par conséquent, les importations auront tendance à baisser : Les
consommateurs seraient découragés. Ainsi, avec plus d’exportations et moins
d’importations, le solde commercial devrait, selon toute logique donc,
s’améliorer.
Cependant, en réalité
la situation est éminemment plus complexe et plus amère pour le consommateur,
en l’occurrence pour le citoyen Tunisien. Nos dirigeants oublient, en effet, au
passage de signaler à leurs concitoyens qu’une telle manœuvre se traduit
nécessairement par au moins deux conséquences négatives:
Une inflation importée
en raison de la hausse des coûts de la facturation des matières premières, des
produits semi-finis et des technologies indispensables pour nos entreprises
(biens d’équipements, pièces de rechange,…) ;
Et une augmentation du service de la dette extérieure: 60%
de la dette tunisienne est libellée
en euro.
En général, les
travaux des économistes sur les effets de la baisse des taux de change sur les
soldes des balances commerciales ont montré que ces effets sont variables dans
le temps et selon la qualité du tissu industriel.
La courbe ci-dessous, connue sous le nom «courbe en J», dans son interprétation
optimiste, montre les effets d’une dévaluation ou d’une dépréciation d’une
monnaie sur le commerce extérieur: Nous distinguant aisément deux moments:
Un effet immédiat
(phase AB): dégradation de ce qu’on appelle les termes de l’échange,
c’est-à-dire le rapport entre le prix des exportations et celui des
importations. Il s’ensuit une dégradation du solde en valeur de nos échanges
courants. En d’autres termes, le déficit de nos échanges extérieurs se creusera
davantage.
Dans un second temps
(phase BC): les volumes échangés réagiraient aux variations de prix. La baisse
de la valeur de la monnaie permettrait, comme je l’ai déjà expliqué en
introduction, aux entreprises locales de gagner en termes de compétitivité-prix
ce qui se traduirait par une augmentation des exportations. Au même moment, les
importations tendraient à baisser car les produits étrangers deviennent trop
chers. Cet effet-volume ne s’est pas réellement manifesté dans le cas de la
Tunisie. Pourquoi?
2/ En pratique tout
dépend de l’élasticité des prix et de la qualité du tissu industriel
En réalité, les
exportations supplémentaires supposées dépendent des variations des prix, ce
que les économistes appellent « l’élasticité-prix ». Si l’élasticité est
suffisamment forte, l’effet-volume l’emportera vite sur l’effet-prix ; sinon le
solde courant continuera de se dégrader. Concrètement, si les prix à
l’exportation (prix exprimés en devises) chutent d’une manière assez
conséquente, suite à la baisse du taux de change (donc, dépréciation de la
monnaie), les exportations pourront en effet être boostées. Autrement, le
déficit en matière d’échanges extérieurs continuera de se détériorer.
La dévaluation ou la
dépréciation suppose de disposer d’un grand bataillon d’entreprises nationales
(publiques et privées) exportatrices dont le processus de production est
parfaitement bien intégré. C’est-à-dire, un très haut taux d’intégration grâce
à des produits locaux. Ceci suppose au préalable que nous disposons d’une
véritable stratégie de remontée de filières: il faut donc que notre structure
industrielle soit capable d’assurer la totalité du processus de production d’un
produit, à titre d’exemple, pour produire un jean il faut être capable
d’assurer la chaine de production du coton jusqu’à la confection, ce qui
implique la maitrise de la branche filature et celle du tissage plutôt que
d’importer le tissu et être dépendant de l’extérieur. Hélas, c’est encore
le cas aujourd’hui : les entreprises off-shore importent la totalité de leur
tissu.
Dans le secteur tertiaire et plus précisément le secteur touristique la situation est encore plus préoccupante pour ne pas dire plus humiliante: La baisse du taux de change du dinar n’est-elle pas de plus en plus profitable aux pays occidentaux? Nos touristes européens sont généralement des personnes appartenant à la classe moyenne, voire modeste; la parité monétaire du dinar par rapport à l’euro leur procure un pouvoir d’achat inespéré dans leur pays. Concrètement, une caissière à Carrefour en France, vu les prix proposés par les tours opérateurs, peut s’offrir une semaine en pension complète en Tunisie vol compris alors qu’elle ne peut même pas, avec le même budget, s’offrir la simple location au sud de la France. En fait, notre secteur touristique souffre structurellement de l’inadaptation de notre offre à la demande internationale : Une demande en pleine mutation et exigeante en terme de qualité.
Pour conclure, je dirai que la compétitivité à moyen et long terme n’est pas qu’une histoire de dinar faible ou fort. Bien évidemment, c’est la qualité des produits vendus, des services proposés ainsi que la capacité de nos entreprises à les exporter qui font la différence.
Dans le secteur tertiaire et plus précisément le secteur touristique la situation est encore plus préoccupante pour ne pas dire plus humiliante: La baisse du taux de change du dinar n’est-elle pas de plus en plus profitable aux pays occidentaux? Nos touristes européens sont généralement des personnes appartenant à la classe moyenne, voire modeste; la parité monétaire du dinar par rapport à l’euro leur procure un pouvoir d’achat inespéré dans leur pays. Concrètement, une caissière à Carrefour en France, vu les prix proposés par les tours opérateurs, peut s’offrir une semaine en pension complète en Tunisie vol compris alors qu’elle ne peut même pas, avec le même budget, s’offrir la simple location au sud de la France. En fait, notre secteur touristique souffre structurellement de l’inadaptation de notre offre à la demande internationale : Une demande en pleine mutation et exigeante en terme de qualité.
Pour conclure, je dirai que la compétitivité à moyen et long terme n’est pas qu’une histoire de dinar faible ou fort. Bien évidemment, c’est la qualité des produits vendus, des services proposés ainsi que la capacité de nos entreprises à les exporter qui font la différence.
Dans un prochain article,
j’analyserai toutes les vertus économiques d’une monnaie forte.
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