(*) Un article du Monde diplomatique. Le titre et les annotations sont l'œuvre de la rédaction de Terra Nova Tunisie
Auteur anglais
du 17ème siècle, Hobbes se considère comme le fondateur de la science
politique. Si Hobbes est largement considéré comme un auteur absolutiste, il
est libéral pour certains en tant que « fondateur du libéralisme moderne » (Léo
Strauss). Il donne en effet à l’homme des droits subjectifs, à la
suite de Grotius(*).
Thomas Hobbes
écrit à l’époque où la guerre civile anglaise sévit et oppose
violemment le Parlement au roi. C’est afin d’échapper à ce contexte guerrier
qu’il s’exile en France, qui elle aussi connaît un état instable ; la France
connaît la Fronde. De ce contexte, Hobbes préfère sauver l’autorité royale afin
de restaurer la sécurité ; afin de légitimer le pouvoir royal, il commence
son argumentaire en considérant l’homme à l’état de nature.
ETAT DE
NATURE
L’homme n’est
selon Hobbes pas naturellement sociable. La volonté de se
rapprocher de ses semblables ne vient que d’un désir artificiel de se réunir
pour y trouver un intérêt.
Isolé donc,
l’homme n’agit à l’état de nature qu’en fonction de ses propres intérêts. Les
hommes sont égaux ; si tous sont méchants par nature,
ils diffèrent par leurs capacités, en étant plus ou moins forts et plus ou
moins intelligent, mais sont finalement égaux car tous compensent leurs
insuffisances (l’homme faible compense par son intelligence).
Poussés par la
réalisation continue de leurs désirs personnels, les hommes sont amenés à agir
sans contrainte extérieure, sans contrainte légale ou humaine. Ils peuvent agir
par tous moyens pour se défendre, ce qui peut conduire les hommes à
entre-tuer. Les divergences entre les désirs de chaque homme entraînent des
conflits permanents, et donc des rivalités violentes que rien ne peut arrêter.
Les hommes se battent non seulement pour leurs passions, mais également pour
leur sécurité. Les hommes sont donc constamment menacés par la violence
éventuelle des autres et craignent pour leur conservation. La vie n’est alors
qu’une lutte pour la conservation de soi et une guerre permanente. Les hommes
étant principalement régis par trois types de comportements que sont la
défiance, la rivalité et la gloire, il n’existe à l’état de nature que des
phénomènes de domination constante. La peur de mort violente qui
hante Hobbes toute sa vie le conduit à penser que cet état de guerre, état de
nature, doit laisser place à un état sécuritaire. Ainsi, cet état de guerre de
tous contre doit prendre fin pour assurer la sécurité de tous.
Afin que le
pouvoir des uns s’arrête là où commence le pouvoir des autres, des règles
doivent être établies, le droit naturel n’empêche en effet pas d’entraver les
droits des autres. Il faut limiter le droit de conservation qui à l’état de
nature est absolu et illimité. Mais il faut également ériger certains hommes en
juges et fonder les lois civiles afin d’avoir un tiers impartial susceptible de
limiter le droit de chacun et d’assurer la sécurité de tous par le respect des
lois.
CONTRAT
Hobbes considère
que les hommes ont de façon autonome consenti à donner leurs droits absolus à
l’état de nature à une tierce personne ; les droits de chacun sont donc ainsi
limités, l’individualité s’effaçant bientôt totalement. On remet ainsi par
contrat la puissance suprême à un Léviathan, chargé d’assurer la
sécurité de tous. Un contrat artificiel doit en effet permettre d’éviter les
dérives des pouvoirs de chacun ; c’est donc de façon totalement réfléchie que
les hommes créent le Léviathan, c'est-à-dire l’Etat, la puissance publique.
Tous les hommes renoncent donc ensemble à leur liberté, afin d’assurer leur
protection par une puissance supérieure commune. Ce renoncement doit être
collégial ; la soumission de quelques uns conduirait à leur massacre par les
autres.
La soumission des
hommes à une telle entité est un moindre mal nécessaire pour garantir la
sécurité. Les hommes dans leur ensemble permettent de former une unité
politique fondée sur la soumission de tous à un seul. L’ancienne égalité
naturelle se substitue ainsi à l’égalité civile. Mais il n’existe
pas de relation directe entre le souverain et les individus ; seul le
Léviathan, personne artificielle, peut parler en leur nom, sa volonté étant la
leur. Le souverain décide ainsi par exemple de la religion du pays, et des
orientations civiles à donner à la société.
Mais la mise en
place de cette autorité absolue, qui dispose de tous pouvoirs nécessaires au
maintien de la sécurité, entraine l’assentiment des hommes à un régime
absolutiste, qui dispose de la souveraineté absolue. Hobbes marque
ainsi une rupture avec les anciennes conceptions contractualistes de la société
en considérant que la société s’est formée par le pacte et non avant lui.
LA
SOUMISSION AU LÉVIATHAN
Les hommes ont
conclu un pacte entre eux, et non avec le souverain ; il s’agit en effet
d’un contrat « de chacun avec chacun ». Ce dernier n’est donc
soumis à aucun contrat qui le contraindrait à respecter les volontés du peuple.
Les hommes ne peuvent par conséquent pas se révolter contre une autorité qui
violerait ses droits. Hobbes considère ainsi que les hommes doivent donner leur
entière confiance au souverain, ce qui peut être sujet à questionnement dans le
sens où il n’a pas confiance dans les hommes, qui eux doivent conclure un
contrat pour éviter d’abuser de leur pouvoir.
Si Hobbes fonde
les droits subjectifs en faisant de l’homme un sujet de droit, il retire
ensuite à l’homme tout individualisme dès lors que le Léviathan est mis en
place. C’est bien « à partir des individus, à leur image, qu’on fabriquera
l’individu artificiel, le monstre Léviathan qui écrase les vrais individus » ;
l’individualisme qui semblait avoir été le fondement des droits subjectifs
disparaît dès lors que la puissance commune est instituée. Les libertés de
l’état de nature semblent donc disparaître dans l’état civil. Hobbes ne
souhaite pas donner à l’individu une place qui lui apporterait un pouvoir trop
grand par rapport au souverain, ce pouvoir pouvant permettre de le renverser.
Les
particularismes qui s’exprimaient à l’état de nature s’envolent en effet car
les hommes doivent se soumettre à l’autorité suprême. Néanmoins, le droit
subjectif permet de fonder le droit sur l’individu lui-même, ce qui est une
évolution par rapport au droit ancien qui ne régit que la société dans son
ensemble, ce qui atténue
finalement cette schizophrénie Hobbesienne [NDLR].
(*) Père de l'école du droit naturel
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