mardi 6 mars 2012

Un diamant gros comme Paris, par Francis Scott Fitzgerald



Chaque jour, Patrick Besson emprunte la plume d'un célèbre écrivain, français ou étranger, mort ou vivant, génial ou nul, pour nous raconter la campagne électorale.
















La fête se terminait. Les bouteilles de champagne étaient vides, mais il restait encore, entre cotillons et couples endormis, quelques verres à moitié pleins. Toute la douceur de Paris était dans l'air. Des jeunes filles élégantes chuchotaient à l'oreille d'hommes soûls. Quelques vieillards mélancoliques laissaient errer leur regard fatigué sur les jambes nues de femmes amoureuses d'un homme jeune.


La place de la Concorde, vue de cette terrasse du Crillon, avait l'air d'un gâteau d'anniversaire avec une seule bougie. Sur l'autre rive de la Seine, la chambre des députés ressemblait à un gros chat endormi, plein de rancunes. Rachida se tourna vers Nicolas. De toute la soirée, il n'avait pas cessé de l'observer. Elle allait et venait d'un groupe d'invités à l'autre, apportant son esprit gai et fin à chacun, puis le reprenant et le remettant sur elle, comme si c'était un foulard Hermès. Ses cheveux noirs brillaient dans la nuit alors que ça aurait dû être l'inverse.

Il se dit que Rachida brillait à toute heure, quelle que fût l'intensité de la lumière ou la profondeur de l'obscurité. Il eut envie de lui prendre la main et le fit. Il faisait toujours ce dont il avait envie. C'était à la fois son problème et la solution de son problème. Cette petite main élégante, douce et un peu froide lui rappelait tant de choses : les réunions échevelées au siège de l'UMP, les meetings de Rennes et de Bourg-en-Bresse (surtout celui de Bourg-en-Bresse, où il avait décidé qu'elle serait garde des Sceaux), les premiers week-ends à La Lanterne où ils avaient inventé ce jeu hilarant : dans toute phrase où il y avait le mot SDF, le remplacer par Fillon.

- Rachida...

- Oui, Nicolas.

Elle retira sa main. Ce fut pour lui comme si on lui retirait une flèche du coeur, le condamnant à mort.

- Pourquoi ? gémit-il.

- C'est trop tôt. Ou trop tard.

- Non.

Il répéta.

- Non.

Elle sourit et il comprit qu'elle voulait quelque chose. Quand elle voulait quelque chose, elle souriait. Et elle l'obtenait. Il lui fit ce regard tendre qu'elle aimait tant, naguère.

- Dis-moi.

- Donne-moi Paris, Nicolas. Et je serai avec toi. Et si je suis avec toi, tu auras la France. Tu sais bien que, unis, rien ne peut nous résister.

- Tu ne préfères pas un diamant ?

- Tu as un diamant gros comme Paris ?

Il fut bien obligé de reconnaître que non. Il y eut quelques minutes de silence - qu'elles étaient douces et lentes, et sucrées, les minutes de silence avec Rachida. Puis ils scellèrent leur accord d'un baiser. Sur la joue, pour commencer.


Patrick Besson

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