dimanche 27 janvier 2013

l'abolition de l'esclavage en Tunisie (Première Partie-Un devoir de mémoire : L'abolition de l'esclavage le 23 janvier 1846)


Il y a 167 ans : Abolition de l'esclavage en Tunisie
 


 
Regards croisés de trois chercheurs Tunisiens


 

 
A l'occasion de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en Tunisie, trois chercheurs présentent un dossier sur cette question, en Tunisie et dans le monde :

Mounira Chapoutot-Remadi, professeur d'histoire du moyen âge du monde arabe et musulman et vice-présidente de l'Association Nawarni, rappelle la profondeur historique de l'histoire de l'esclavage et axe son propos essentiellement sur son évolution en Tunisie jusqu'à son abolition le 23 janvier 1846 ;

Stéphanie Pouessel, anthropologue et chercheure à l'Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain, évoque ses retombées sur les mémoires plurielles dans la Tunisie d'aujourd'hui ;

Ridha Tlili, historien chercheur, évoque quant à lui la traite négrière et le commerce triangulaire qui ont entrainé, pendant quatre siècles, la déportation de milliers d’Africains aux Amériques.

Un devoir de mémoire : L'abolition de l'esclavage le 23 janvier 1846
 
Il est vrai que je suis fière de pourvoir dire et répéter à l'occasion, que mon pays a été le premier du monde arabe et musulman à abolir l'esclavage, le 23 janvier 1846.
 
Il est vrai que mon but aujourd'hui est de le rappeler à tous mes compatriotes afin d'inscrire cette date dans notre calendrier mémoriel national. Si le 2 décembre de chaque année correspond à la journée internationale de l'abolition de l'esclavage, le 23 janvier devrait être inscrit dans notre calendrier national.
 
L'esclavage est une institution vieille de plusieurs siècles et elle était générale dans l'Antiquité. Ce phénomène n'est donc pas lié à une religion ni à un espace géographique. La guerre et le commerce étaient les principales sources de l'esclavage. L'avènement des religions monothéistes allait, d'une certaine manière, contribuer à freiner sinon à diminuer le phénomène. Pour le christianisme comme pour l'islam, Il était interdit de réduire en esclavage, un coreligionnaire. L'émancipation de l'esclave était même un acte de piétérecommandé en Islam. L'esclave femme devenue mère d'un garçon, Umm walad ne pouvait plus être vendue mais devait être affranchie.
 
Du point de vue de l'Islam, la division du monde en Dâr al-Islam, Dâr al-harb, allait permettre aux musulmans de continuer la traite pendant des siècles. C'est ainsi que des centaines de milliers de corps furent arrachés à leurs proches, vendus sur les marchés de la Méditerranée et de l'Asie. Leurs destinées furent diverses selon les époques, les pays, les fonctions qu'ils eurent à exercer. Les uns accédèrent aux fonctions les plus illustres, comme les sultans mamluks d’Égypte, les autres eurent beaucoup moins de chance, comme ceux qui furent astreints aux taches les plus dures. Certains également furent castrés et c'est comme eunuques qu'ils travaillèrent dans les palais des sultans. Ils furent affectés à la garde des harems et à l'éducation des jeunes esclaves. Les conditions de voyage étaient très dures et beaucoup mouraient en chemin avant d'atteindre leur destination finale.


Cavalier Mamelouk (dessin de Carle Vernet en 1810).

 
Le vocabulaire arabe emploie une terminologie variée pour les désigner. L'esclave noir est appelé : 'abd, wasif, khadim, chouchen, hartani (pluriel Harratin) et akli en berbère ; l'esclave blanc : mamluk, 'ulj, saqlabi, rumi, jarkassi, turki, ... quand l'origine ethnique est précisée. Les taches domestiques étaient réservées aux noirs, les fonctions militaires généralement aux autres.
Les flux étaient divers selon la géographie et les époques. Les sources arabes de la conquête décrivent et donnent des chiffres assez considérables d'esclaves berbères qui furent les premières victimes de ce trafic vers Damas et Bagdad. Malgré l'islamisation, le quint humain, takhmis, fut pratiqué sur les familles, provoquant une des plus grandes révoltes berbères en 740.
Une des premières expéditions de 'Uqba b. Nâfi' consista à aller capturer des esclaves au Fezzan. Très vite les Berbères eux-mêmes prirent en charge le commerce transsaharien et se chargèrent ainsi de la traite. Les Aghlabides se dotèrent d'une garde noire plus fidèle que l'armée arabe des conquérants qui fomentait de révoltes et était plus exigeante. Ils en employèrent d'autres dans l'agriculture et dans les grands domaines. Les dynasties suivantes continuèrent à s'appuyer sur ce commerce à la fois pour les besoins internes et externes.
Trois grands axes caravaniers sud-nord traversaient le Maghreb. Pour la Tunisie, la plupart des esclaves africains arrivait du Fezzan et du Bornou par Ghadamès et les autres empruntaient une deuxième route reliant Tombouctou au Djérid et à Gafsa, en passant par le Mzab. La Tunisie a été une zone de réception et de transit de ce trafic d'êtres humains. La traite a continué pendant des siècles. Beaucoup de ces hommes et de ces femmes se sont peu à peu fondus dans la population locale.
Un tournant important dans notre histoire a accéléré ce phénomène d'assimilation. Le règne d'Ahmed Bey (1837-1855) est resté dans notre mémoire comme la première entrée dans la modernité. Elle était certes dans l'air du temps aussi bien à Istanbul qu'au Caire. Des mesures semblables avaient été prises, mais l'originalité de notre pays, c'est d'avoir décrété avant tous les autres, l'abolition de l'esclavage le 23 janvier 1846.
 

Ahmed Ier Bey
Pour plus d'informations concernant Ahmed 1er Bey http://fr.wikipedia.org/wiki/Ahmed_Ier_Bey#cite_note-12

 
Certes en examinant de près la situation de la Tunisie, 35 ans avant le Protectorat, on pourrait penser que ces mesures sont arrivées trop tard, qu'elles ont été commandées par la conjoncture internationale. La modernité plaquée, et non encore portée par la majorité de la population, n'était peut-être pas encore à l'ordre du jour. Certes, les lois ne font pas disparaître du jour au lendemain les lourdeurs des mentalités. Certes, la discrimination à l'égard de certains de nos compatriotes a du mal à disparaître.
 
Aujourd'hui, 167 ans se sont écoulés, nous devons retenir une chose importante. Oui nous sommes fiers d'être le premier pays musulman à avoir tourné la page de cet abominable commerce d'êtres humains et nous sommes fiers de notre diversité.
Mounira Chapoutot-Remadi

 
 
Abolition de l'esclavage....Les dates clés
 
En 1865, les États-Unis promulguent le 13e amendement interdisant l'esclavage. La question de l'esclavage conduisit Abraham Lincoln à promettre son abolition s'il était élu. Son élection conduisit donc les États du Sud à demander la sécession. Celle-ci leur fut refusée (elle aurait en effet privé les caisses fédérales de l'essentiel de ses impôts), conduisant à la guerre civile. La guerre de Sécession qui en suivit sera la plus meurtrière de toute l'histoire de ce pays.
 
En 1815, Napoléon décrète l'abolition de la traite des esclaves, qui aligne la France sur la décision que vient de prendre le congrès de Vienne. Sa résolution est confirmée par le traité de Paris le 20 novembre 1815.  La France attendra 1848, année qui voit Victor Schoelcher faire adopter, définitivement, le décret d'abolition pour ce qui concerne les Colonies. Le 5 mars, 250 000 esclaves des Colonies françaises devaient être émancipés
 
L'esclavage est aboli en 1833 en Angleterre
 
L'esclavage est aboli  en 1847 dans l'Empire ottoman.
 
TERRA NOVA TUNISIE
 
 
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..Deuxième Partie.....
 
"Trace d’aujourd’hui : jusqu’où reconnaitre les mémoires plurielles ?"

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